Nous publions ici un article d'Alain Badiou publié dans le journal Le Monde. Cet article est intéressant car il part du point de vue juste que Marx avait clairement expliqué : les classes dominantes imposent non seulement par la force le système économique et politique qui leur permet de garder intacte leur domination mais aussi par la diffusion de leurs idées et points de vue réactionnaires qui emprisonnent la classe ouvrière et les masses populaires dans ce même système.
Badiou explique donc ici que les classes dirigeantes (de droite comme de gauche) sont clairement responsables de la montée du fascisme et non telle ou telle catégorie de la population, habitant telle ou telle région. La source du fascisme est donc à trouver au sein de la bourgeoisie elle-même et non au sein du peuple. C'est la bourgeoisie qui se nourrit des contradictions au sein du peuple pour essayer de le diviser au maximum et dresser une catégorie d'exploités contre une autre -"Diviser pour mieux régner".
Badiou explique donc ici que les classes dirigeantes (de droite comme de gauche) sont clairement responsables de la montée du fascisme et non telle ou telle catégorie de la population, habitant telle ou telle région. La source du fascisme est donc à trouver au sein de la bourgeoisie elle-même et non au sein du peuple. C'est la bourgeoisie qui se nourrit des contradictions au sein du peuple pour essayer de le diviser au maximum et dresser une catégorie d'exploités contre une autre -"Diviser pour mieux régner".
Face à cela, notre tâche est de construire l'unité de notre camp, surtout que l'arrivée au pouvoir d'une "gauche" qui sera incapable de résoudre la crise risque d'ouvrir un boulevard aux partis et organisations fascistes, Front National en tête.
La question pour nous n'est donc pas de savoir qui est majoritaire ou minoritaire mais qui se base sur la légitimité de se révolter contre l'oppression et l'exploitation pour s'organiser.
La réponse se trouve à notre avis dans la construction du Front Révolutionnaire Anticapitaliste/Antifasciste et Populaire !
La Cause du Peuple
La question pour nous n'est donc pas de savoir qui est majoritaire ou minoritaire mais qui se base sur la légitimité de se révolter contre l'oppression et l'exploitation pour s'organiser.
La réponse se trouve à notre avis dans la construction du Front Révolutionnaire Anticapitaliste/Antifasciste et Populaire !
La Cause du Peuple
Le racisme des intellectuels
D'où vient le score de l'extrême droite sinon de trente ans de discours sécuritaires sans vergogne, à droite et à gauche ?
Par
Alain Badiou
L'importance
du vote pour Marine Le Pen accable et surprend. On cherche des explications. Le
personnel politique y va de sa sociologie portative : la France des gens d'en
bas, des provinciaux égarés, des ouvriers, des sous-éduqués, effrayée par la
mondialisation, le recul du pouvoir d'achat, la déstructuration des territoires,
la présence à leurs portes d'étranges étrangers, veut se replier sur le
nationalisme et la xénophobie.
C'est
déjà du reste cette France "retardataire" qu'on accusait d'avoir voté non
au référendum sur le projet de Constitution européenne. On l'opposait aux
classes moyennes urbaines éduquées et modernes, qui font tout le sel social de
notre démocratie bien tempérée.
Disons
que cette France d'en bas est quand même, en la circonstance, le baudet de la
fable, le pelé et le galeux "populiste" d'où nous vient tout le mal lepéniste.
Etrange, au demeurant, cette hargne politico-médiatique contre le "populisme".
Le pouvoir démocratique, dont nous sommes si fiers, serait-il allergique à ce
qu'on se soucie du peuple ? C'est l'avis dudit peuple, en tout cas, et de plus
en plus. A la question "les responsables politiques se préoccupent-ils de ce
que pensent les gens comme vous ?", la réponse entièrement négative "pas
du tout" est passée de 15 % de l'ensemble en 1978 à 42 % en 2010 ! Quant au
total des réponses positives ("beaucoup" ou "assez"), il est passé
de 35 % à 17 % (on se reportera, pour cette indication statistique et d'autres
d'un très grand intérêt, au numéro hors série de la revue La Pensée titré
"Le peuple, la crise et la politique" et réalisé par Guy Michelat et Michel
Simon). La relation entre le peuple et l'Etat n'est pas faite de confiance,
c'est le moins qu'on puisse dire.
Faut-il
conclure que notre Etat n'a pas le peuple qu'il mérite, et que le sombre vote
lepéniste atteste cette insuffisance populaire ? Il faudrait alors, pour
renforcer la démocratie, changer le peuple, comme le proposait ironiquement
Brecht...
Ma
thèse est plutôt que deux autres grands coupables doivent être mis en avant :
les responsables successifs du pouvoir d'Etat, de gauche comme de droite, et un
ensemble non négligeable d'intellectuels.
En
définitive, ce ne sont pas les pauvres de nos provinces qui ont décidé de
limiter autant que faire se peut le droit élémentaire d'un ouvrier de ce pays,
quelle que soit sa nationalité d'origine, de vivre ici avec sa femme et ses
enfants. C'est une ministre socialiste, et tous ceux de droite ensuite qui se
sont engouffrés dans la brèche. Ce n'est pas une campagnarde sous-éduquée qui a
proclamé en 1983, que les grévistes de Renault - en effet majoritairement
algériens ou marocains - étaient des "travailleurs immigrés
(...)agités par des groupes religieux et politiques qui se déterminent en
fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales
françaises".
C'est
un premier ministre socialiste, bien entendu à la grande joie de ses "ennemis"
de la droite. Qui a eu la bonne idée de déclarer que Le Pen posait les vrais
problèmes ? Un militant alsacien du Front national ? Non, c'est un premier
ministre de François Mitterrand. Ce ne sont pas des sous-développés de
l'intérieur qui ont créé les centres de rétention pour y emprisonner, hors de
tout droit réel, ceux qu'on privait par ailleurs de la possibilité d'acquérir
les papiers légaux de leur présence.
Ce
ne sont pas non plus des banlieusards excédés qui ont ordonné, partout dans le
monde, qu'on ne délivre aux gens des visas pour la France qu'au compte-gouttes,
pendant qu'on fixait ici même des quotas d'expulsions que devait à tout prix
réaliser la police. La succession des lois restrictives, attaquant, sous
prétexte d'étrangeté, la liberté et l'égalité de millions de gens qui vivent et
travaillent ici, n'est pas l'oeuvre de "populistes"
déchaînés.
A
la manoeuvre de ces forfaits légaux, on trouve l'Etat, tout simplement. On
trouve tous les gouvernements successifs, dès François Mitterrand, et sans répit
par la suite. En la matière, et ce ne sont que deux exemples, le socialiste
Lionel Jospin a fait savoir dès son arrivée au pouvoir qu'il n'était pas
question d'abolir les lois xénophobes de Charles Pasqua ; le socialiste François
Hollande fait savoir qu'on ne décidera pas les régularisations de sans-papiers
autrement sous sa présidence que sous celle de Nicolas Sarkozy. La continuité
dans cette direction ne fait aucun doute. C'est cet encouragement obstiné de
l'Etat dans la vilenie qui façonne l'opinion réactive et racialiste, et non
l'inverse.
Je
ne crois pas être suspect d'ignorer que Nicolas Sarkozy et sa clique ont été
constamment sur la brèche du racisme culturel, levant haut le drapeau de la
"supériorité" de notre chère civilisation occidentale et faisant voter une
interminable succession de lois discriminatoires dont la scélératesse nous
consterne.
Mais
enfin, nous ne voyons pas que la gauche se soit levée pour s'y opposer avec la
force que demandait un pareil acharnement réactionnaire. Elle a même bien
souvent fait savoir qu'elle "comprenait" cette demande de "sécurité", et a voté
sans état d'âme des décisions persécutoires flagrantes, comme celles qui visent
à expulser de l'espace public telle ou telle femme sous le prétexte qu'elle se
couvre les cheveux ou enveloppe son corps.
Ses
candidats annoncent partout qu'ils mèneront une lutte sans merci, non tant
contre les prévarications capitalistes et la dictature des budgets ascétiques
que contre les ouvriers sans papiers et les mineurs récidivistes, surtout s'ils
sont noirs ou arabes. Dans ce domaine, droite et gauche confondues ont piétiné
tout principe. Ce fut et c'est, pour ceux qu'on prive de papiers, non l'Etat de
droit, mais l'Etat d'exception, l'Etat de non-droit. Ce sont eux qui sont en
état d'insécurité, et non les nationaux nantis. S'il fallait, ce qu'à Dieu ne
plaise, se résigner à expulser des gens, il serait préférable qu'on choisisse
nos gouvernants plutôt que les très respectables ouvriers marocains ou
maliens.
Et
derrière tout cela, de longue date, depuis plus de vingt ans, qui trouve-t-on ?
Qui sont les glorieux inventeurs du "péril islamique", en passe selon eux de
désintégrer notre belle société occidentale et française ? Sinon des
intellectuels, qui consacrent à cette tâche infâme des éditoriaux enflammés, des
livres retors, des "enquêtes sociologiques" truquées ? Est-ce un groupe de
retraités provinciaux et d'ouvriers des petites villes désindustrialisées qui a
monté patiemment toute cette affaire du "conflit des civilisations", de la
défense du "pacte républicain", des menaces sur notre magnifique "laïcité", du
"féminisme" outragé par la vie quotidienne des dames arabes
?
N'est-il
pas fâcheux qu'on cherche des responsables uniquement du côté de la droite
extrême - qui en effet tire les marrons du feu - sans jamais mettre à nu la
responsabilité écrasante de ceux, bien souvent - disaient-ils - "de gauche", et
plus souvent professeurs de "philosophie" que caissières de supermarché, qui ont
passionnément soutenu que les Arabes et les Noirs, notamment les jeunes,
corrompaient notre système éducatif, pervertissaient nos banlieues, offensaient
nos libertés et outrageaient nos femmes ? Ou qu'ils étaient "trop
nombreux" dans nos équipes de foot ? Exactement comme on disait naguère des
juifs et des "métèques" que par eux la France éternelle était menacée de
mort.
Il
y a eu, certes, l'apparition de groupuscules fascistes se réclamant de l'islam.
Mais il y a tout aussi bien eu des mouvements fascistes se réclamant de
l'Occident et du Christ-roi. Cela n'empêche aucun intellectuel islamophobe de
vanter à tout bout de champ notre supérieure identité "occidentale" et de
parvenir à loger nos admirables "racines chrétiennes" dans le culte d'une
laïcité dont Marine Le Pen, devenue une des plus acharnées pratiquantes de ce
culte, révèle enfin de quel bois politique il se
chauffe.
En
vérité, ce sont des intellectuels qui ont inventé la violence antipopulaire,
singulièrement dirigée contre les jeunes des grandes villes, qui est le vrai
secret de l'islamophobie. Et ce sont les gouvernements, incapables de bâtir une
société de paix civile et de justice, qui ont livré les étrangers, et d'abord
les ouvriers arabes et leurs familles, en pâture à des clientèles électorales
désorientées et craintives. Comme toujours, l'idée, fût-elle criminelle, précède
le pouvoir, qui à son tour façonne l'opinion dont il a besoin. L'intellectuel,
fût-il déplorable, précède le ministre, qui construit ses
suiveurs.
Le
livre, fût-il à jeter, vient avant l'image propagandiste, laquelle égare au lieu
d'instruire. Et trente ans de patients efforts dans l'écriture, l'invective et
la compétition électorale sans idée trouvent leur sinistre récompense dans les
consciences fatiguées comme dans le vote moutonnier.
Honte
aux gouvernements successifs, qui ont tous rivalisé sur les thèmes conjoints de
la sécurité et du "problème immigré", pour que ne soit pas trop visible qu'ils
servaient avant tout les intérêts de l'oligarchie économique ! Honte aux
intellectuels du néo-racialisme et du nationalisme bouché, qui ont patiemment
recouvert le vide laissé dans le peuple par la provisoire éclipse de l'hypothèse
communiste d'un manteau d'inepties sur le péril islamique et la ruine de nos
"valeurs" !
Ce
sont eux qui doivent aujourd'hui rendre des comptes sur l'ascension d'un
fascisme rampant dont ils ont encouragé sans relâche le développement
mental.
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