19 juin
par
Salaheddine Lemaizi
Depuis le début de 2012, l’essoufflement
du Mouvement du 20 février est l’occasion pour le régime d’étouffer un
possible printemps démocratique marocain. Récit d’une année de plomb.
Le 15 juin 2012, dans le village de Chlihat proche de Larache (à 150
km de Rabat au nord), les « forces de l’ordre » répriment violemment la
population de cette commune. 2000 membres des anti-émeute, des
hélicoptères de la gendarmerie royale et des balles en caoutchouc ont
été mobilisés pour mater une révolte sociale d’agriculteurs contre un
investisseur espagnol |1|.
L’ampleur de la mobilisation sécuritaire contre ce village de quelques
milliers d’habitants portant des revendications strictement sociales
résume à elle seule la tension qui règne au sein du pouvoir face à toute
mobilisation populaire.
Le régime reprend sa matraque
En réformant la constitution et en permettant aux islamistes du Parti
justice et développement de gagner largement les élections, le Makhzen
(le régime et ses alliés politiques, économiques et médiatiques) a su
négocier le virage du Printemps des peuples dans la région
Machrek-Maghreb. Il demeure que pour le « Front de la résistance »
représenté par le Mouvement du 20 février (M20F) l’essentiel du pouvoir
reste entre les mains de la monarchie. Ce refus d’abdiquer devant ce
pouvoir omnipotent agace. La réponse du régime ne s’est pas fait
attendre. Profitant d’une baisse de régime considérable du M20F, la
répression bat son plein. Avec Taza (centre) et Bni Bouayach (nord-est),
l’Etat a retrouvé ses habitudes de l’avant février 2011. Depuis, c’est
la série noire. Manifestations et sit-in réprimés, militant-e-s
arrêté-e-s et procès fabriqués de toutes pièces. A l’exception du
jugement du procès de Safi (16 condamnés et de lourdes amendes), qui a
connu un retournement spectaculaire avec la réduction des peines et la
libération de plusieurs des détenus, les autres jugements qui tombent
chaque semaine sont sévères. Imbu de son pouvoir, le régime sévit, dans
l’indifférence quasi générale de l’opinion publique. Pendant ce temps,
des jeunes marocains - comme le rappeur casablancais Mouad Belgouat ou
Mustapha Ouchtoubane, un des meneurs d’une lutte contre une compagnie
minière qui pollue l’eau d’Imini, son village - écopent de plusieurs
années de prison pour avoir osé s’opposer à « l’exception marocaine ».
Le harcèlement des militants n’a pas épargné des chaudrons de la
contestation populaire comme Sidi Ifni (Sud atlantique), où le Makhzen
poursuit Brahim Bara et Hassa Agherbi, militants de la section d’ATTAC.
Ce diagnostic peu reluisant de la situation des droits de l’homme est
conforté par le rapport 2011 d’Amnesty International. L’ONG exige de
« libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers
d’opinion ». L’arrivée du gouvernement islamiste coïncide avec cette
violence sécuritaire qui s’ajoute à une violence économique, encore plus
dure à supporter et qui touche les couches moyennes et défavorisées. Le
libéralisme des barbus commence (déjà) à faire très mal, augmentant
d’un cran la tension sociale au Maroc. Face à laquelle le régime n’a que
la répression comme réponse. Mais jusqu’à quand ?
Notes
|1| Pour plus de détails sur ce sujet, lire : http://www.mamfakinch.com/affrontem...
URL Source : http://www.cadtm.org/Maroc-La-repression-etouffe-le
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