C'était un beau matin que le cœur plein d'entrain je sortais de chez moi, une belle journée se profilait à l'horizon. Enfin quoi ! On n'est pas obligé de penser tout le temps aux difficultés que le présent et l'avenir nous réservent, cet avenir que les puissants se sont réservés le droit de choisir pour nous : état d'urgence et montée du fascisme, dégradation des conditions de travail et fins de mois de plus en plus difficiles. Tout cela m'importait guère ce jour-là, c'était une de ces rares journées d’innocence et de bonheur que la vie m'offre jalousement. Que Clermont allait être belle ! Quelle erreur j'ai faite de croire brièvement que ça allait durer ! La réalité m'a très vite rattrapé...
Lorsqu'on relève son courrier, ce ne sont rarement des bonnes nouvelles qui nous tombent sur le coin du nez. C'est un lourd quotidien, usant mais il reste quotidien. Je sais que je dois payer mes impôts, mes factures, mon loyer, EDF, ma taxe d'habitation, le téléphone, internet. C'est éreintant ! Et le vase semble au bord du débordement à chaque seconde, mais je tiens le coup. Je garde patience, cette patience que nous sommes tous tenus de tenir sans quoi les foudres de la colère des bourgeois s'abattront sur nous. Je ne fous pas le feu, je tente tant bien que mal de vivre sans trop me plaindre. Bref, c'est comme ça, la vie ne nous fait pas de cadeau dans le système capitaliste. Les puissants ne veulent de nous que comme de dociles producteurs et consommateurs, des vaches à lait qu'ils traient tous les jours au fruit de notre labeur et de notre faim. Ce sont nos soucis et notre lot quotidiens qui de jour en jour nous blanchissent les cheveux et nous usent le corps.
Mais parfois, le vase déborde.
Pire que l'exploitation quotidienne et insupportable, c'est le dédain et le manque de respect dont les représentants de l'ordre bourgeois font preuve à l'encontre de ceux et celles qu'ils dominent, nous, le peuple.
Ces flics qui se pavanent à nos frais, roulant des épaules, prêts à dégainer leurs gadgets de la mort, lorsqu'ils ne sont pas occupés à humilier, tabasser et tuer nos frères et nos sœurs. En plus, on serait tenu de les respecter ces bâtards, ces chiens, décomplexés, qui exhibent fièrement leur laisse et leur crocs. Passons, bien que les dents se serrent et que les poils hérissent sur le dos à chacun de leur passage, on tient le coup.
Et ces bourgeois qui gaspillent le fruit de notre labeur, dilapident des liasses de billets dans des caprices d'enfants gâtés, pour montrer leur supériorité à la face du monde qu'ils asservissent. Qui n'a pas rêvé de leur reprendre ce qu'ils nous ont volé, mais là encore on tient le coup.
Et ces ministres et ces politicards qui endorment notre colère avec des belles phrases et des belles promesses sur les prétendues améliorations du capitalisme. Ces représentants de l'ordre bourgeois cachent dans leurs douces paroles des idées aussi tranchantes que des sabres. Comme les autres, ils nous enseignent la soumission et parfois la haine de nos frères. Ils nous font croire à une pluralité des “opinions” qu'ils représentent, mais ils restent les défenseurs des privilégiés que sont les patrons.
Ce matin, un de ces endormeurs a encore frappé.
Ce matin j'ai eu le malheur de vérifier mon courrier. Voici que sous mes yeux, se dresse une adresse aux clermontois et clermontoises, signée du Maire Mr Olivier Bianchi. Beaucoup de mes “concitoyens” (comme diraient les autres) déclareront que les représentants locaux, ce n'est pas pareil : ils ont la proximité avec le peuple, ils veulent vraiment améliorer la situation de leur ville et cetera, et cetera. A mes amis ! Que l’insouciance est belle ! Sauf lorsqu'elle nous pousse à faire des erreurs de jugement dommageables. Ne confondons pas changement de la nature des choses avec le changement d'échelle. Un gros et un petit con ont en commun d'être tous les deux des connards, la différence réside dans la portée de la connerie. Un maire reste un représentant de l'ordre qu'il essaie de gérer. Je veux bien admettre qu'il y ait également des différences au niveau de la sincérité également, mais qu'importe ! Le résultat reste le même : la stabilisation d'un système invivable, la pérennisation des structures sociales. Chacun doit garder sa place : les bourgeois dans les villas et les prolos au travail. Il est d'autant plus criminel pour un élément issu du peuple et conscient de la nécessité de transformer la société, de se placer du côté du pouvoir et des opulents, en tentant de transformer le système à son échelle, car c'est leur offrir sur un plateau d'argent la vivacité et la créativité du bouillonnement issu de la révolte, plutôt que de les mettre au service d'une véritable transformation de la société ; car c'est faire croire aux exploités à leur salut dans le changement institutionnel, c'est créer le lien entre la bourgeoisie et le prolétariat, c'est servir l'ordre bourgeois.
Mais je m'égare, Bianchi n'appartient pas à cette graine-là, Bianchi est une créature de ce système. Mossieur le Maire a toujours été de la « politique », quand il était jeune il était cadre de l'UNEF, un syndicat étudiant qui sert depuis longtemps d'ascenseur vers la carrière politique, notamment au PS, ce dont a tiré profit Olivier. Mossieur le Maire n'a jamais véritablement travaillé, quand celui-ci est parti de la fac, il a tout de suite servi dans l'administration municipale. La « politique » c'est sa prédilection, le domaine de la culture c'est son dada. En l'an de grâce 2014, messire Serges Godard, maire depuis 17 ans, était comblé et devenait âgé, il sentait la fin de son règne arriver. Il choisit comme successeur son éminence grise qui fut reconnu maire par la famille politique locale à la suite des élections municipales.
Un pacte?
Après 2 ans de mandats, Mossieur le Maire nous propose/impose un “pacte de solidarité et de développement”. Pour avoir un pacte, il faut que les deux parties aient quelque chose à offrir, une des deux plus que l'autre. C'est pour cela que Mossieur s'adresse à nous : il veut de nous quelque chose... et il nous demande de faire des efforts parce qu'il sait que ça va nous faire chier et il appelle ça un “effort fiscal”, c'est à dire – il n'en parle qu'à la troisième page – une augmentation de 9% de la fiscalité !
Alors quoi ! On ne paie déjà pas assez ? Il faut toujours plus ! Ces impôts, tous les clermontois paient la même choses, mais pas de la même manière. Il n'y a pas plus inégalitaire que l'impôt qui représente la même somme pour tous. Riche ou pauvre, pas de différence devant cette fiscalité, tu paieras la taxe d'habitation, qu'importent tes conditions de vie et tes fins de mois. Pour un bourgeois, c'est une goutte d'eau dans l'océan de ses ressources, pour nous autres, travailleurs, c'est la différence qui fait que tu n'aies pas de quoi acheter des vêtements satisfaisants à tes enfants ou que tu doives manger des nouilles à presque tous les repas. En claire, une taxe d'habitation peut nous mettre dans la merde chaque année.
Bien sûr, Mossieur le représentant de la ville, dans sa lettre, dresse un joli bilan du début de son mandat. Notre argent serait géré “rigoureusement” et avec “sobriété” de ses propres mots, il ne parle sans doute pas de la sobriété des buffets où nos représentants aiment tellement s’abreuver et se délecter. Il regrette la situation budgétaire de la ville dut au désinvestissent de l’État, lui-même géré par le PS, la même famille politique que Mossieur le Maire. Il nous prend par les sentiments, nous parle de nos enfants, des associations, de la culture, de la solidarité, en effet de nobles causes qui cachent la véritable nature de la politique municipale.
Le flou est palpable sur la question économique, “investir, c'est aussi soutenir l'économie de demain” nous dit-il, Mossieur se fait défenseur de l'emploi. Emploi est le terme employé, “entreprise” serait le plus approprié. Cette politique n'est en aucun cas tournée vers les travailleurs, mais vers les patrons qui se voient accorder des privilèges. La firme transnationale Michelin connaît depuis toujours une certaine complaisance, très marquée de la part des responsables de la ville. Ceux-ci ont, dans le cadre de ce grand “effort fiscal”, avec le Maire en tête, décidé d'offrir de l'argent au géant du pneu au nom de son rôle historique dans le développement de Clermont-Ferrand. Michelin a depuis les débuts tiré sa richesse de la sueur, du sang et des larmes des travailleurs clermontois, Michelin a tiré profit de sa collaboration durant l'occupation, le Michelin colonial en Indochine, ce même Michelin qui a étendu son exploitation à l'échelle de la planète fermant ainsi les usines une à une quand il n'en a pas besoin. D'un côté, des clermontois paient les dépenses municipales, de l'autre les grosses firmes peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Et Mossieur le Maire parle de “justice financière” ! Par dessus le marché, ça ose parler de modernité et d'innovation, alors que c'est la même idéologie, à la même sauce qu'on nous sert.
Mais je m'emporte, car le Maire est quand même très engagé contre les inégalités, celui-ci s'engage à ce qu'une infamie cesse tout de suite. Celle-ci, il la dénonce avec vigueur : les clermontois financent seuls des équipements et des projets qui profitent à toute l'agglomération. Pensez-vous chers lecteurs qu'il parle des bourges suspendus sur les collines de Chamalière, ou qui se prélassent dans les stations de Royat ? Sûrement pas ! C'est surtout pas aux riches de payer, car la ville aurait besoin d'investisseurs, c'est toujours à la masse la moins en capacité de payer qui doit le faire.
Vous vous en doutés, la municipalité de Clermont n'est pas une grande défenseuse des nécessiteux mais plutôt des “bonnes gens”. Elle entend bien défendre leur tranquillité pour que ceux-ci n'est pas à s'inquiéter. C'est à dire comme il est précisé dans la lettre de Mossieur : nos impôts locaux serviront au financement de caméras de surveillance et à la mise en service de nouveaux flics municipaux. Mossieur le Maire fait l'une de ses priorité de lutter contre la “délinquance”. Depuis quand des flics patrouilleurs seraient un signe de tranquillité pour tous ? Bianchi veut, comme le proposent les autres réactionnaires à la sauce Brennas, encore plus nous faire espionner et encore plus de cow boy dans nos rues et il ose parler de “volonté déterminée d'être toujours plus proche de vous”. Si y'a quelque chose que je déteste plus que le manque de respect, c'est la mauvaise foi ! Et merde, qu'est-ce que ce torchon reçu dans nos boîtes aux lettres suinte et déborde de mauvaise foi !
Allez-vous croire un homme qui juste après nous avoir parler de concertation de travail collectif, nous fait du chantage ?! “ou nous continuons de transformer cette ville […] ou bien nous ratons l'opportunité de poursuivre notre développement.” En claire, TINA, There Is No Alternative comme disait la vieille peau de Thatcher. Vous y croyez ça ? Ce mec nous dit qu'on n'a pas le choix ! Que si on n'est pas d'accord, on va tout foutre en l'air et empêcher le développement, de toute façon nous laisse-t-il vraiment le choix ? Mossieur nous raconte qu'il est déterminé à se mobiliser “au service de tous”, baratine autour d'une soit-disant construction collective, mais la décision est déjà prise pour lui. Cette lettre, c'est juste pour nous convaincre de nous résigner, d'accepter.
C'est ça la “ville partagée ou chacun à sa place” ?
Déjà quelle place pour quelqu'un qui a de moins en moins les moyens de rester ? Parce que c'est trop cher, à cause de la hausse du loyer et du prix de la vie par exemple, conséquence directe de ces grands projets d'urbanisme qui font grimper le foncier. C'est ça le vrai but, chasser le peuple du centre-ville pour un faire un espace spécifiquement bourgeois, comme à Londres ou à Paris. Clermont-Ferrand a été bâtie par la classe ouvrière, mais aujourd'hui, celle-ci fait tâche et n'est pas “attractive”, et on veut une économie du tertiaire. C'est cela à terme, le but d'une telle politique : chasser les prolos dans des quartiers où ils seront moins visibles, en périphérie. Méfions-nous de ces termes si édulcoreux tel que “cadre de vie”, “attractivité”, “investissement”, “urbanisme” lorsqu'on parle de ville, ils signifient l'expulsion de ce qui est beau et populaire pour la construction d'espaces vitrines, des musées de cire visant à attirer les investisseurs et la petite bourgeoisie.
Aujourd'hui, tout cela m'a fait perdre patience, demain je me lèverai pour combattre ces diffuseurs de misère. Je ne veux pas laisser ma ville se faire détruire par les sangsues sans me battre, je refuse ces impôts locaux avec tout le reste ! Aujourd'hui, j'ai perdu patience : bourgeois, politicards, bobos et notables, prenez garde !
Vendredi 26 février 2016, je vais me rassembler avec mes camarades à 18h devant la mairie, lors du conseil municipal pour combattre la hausse des impôts locaux. Je vous conseille à tous de faire de même.